MORALIA
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RURAL RWANDA – Interviews 2007-2011 (redacted & edited)
Je suis né en 1965 à […], l’ancienne Commune de […], Préfecture […]. Actuellement, c’est le Secteur […], Cellule […], District […], Province […]. Je suis me mariée en 1987 et je me suis établi ici avec mon mari qui après, a eu d’autres mariages avec deux femmes qui vivent à 300m d’ici dans presque le même enclos sauf qu’elles vivent dans deux maisons séparées. Je suis cultivatrice, mère de 5 enfants. Nous étions réfugiés dans l’Ex-Commune de […] vers les années 1992 et 1993, la deuxième fois, nous sommes allés au CONGO, c’était en 1994 -1995, à la troisième fois nous sommes allés dans un camp de déplacés qui se trouvait dans l’Ex-commune de […], c’était entre 1997-1999. Au moment de la fondation du foyer, notre situation économique était moyenne. Nous étions capable de travailler, nous n’avions pas beaucoup d’enfants et voilà pour le moment, il y a 5 enfants qu’on doit prendre en charge. En 1991, les militaires sont arrivés des volcans et ils ont descendu jusque dans ville de RUHENGERI. Ils n’ont pas tué les gens, après avoir ouvert la prison de RUHENGERI, ils ont retourné dans les volcans. Nous n’avons pas pu travailler car il y avait peu de sécurité. En 1992-1993, ici, c’était devenu une zone tampon, comme il y avait des combats, on nous a demandé de nous déplacer vers la commune de […]. On était dans un camp de déplacés à […]. En 1994-1995, nous sommes allés au Congo, nous étions dans les camps de refugiés. C’était le PAM qui nous donnait de la nourriture et la Croix-Rouge aussi était là pour nous faire soigner. Nous avons retourné en 1995. Après être arrivé, notre maison était toujours là, nous l’avons occupée de nouveau. Entre 1997-1999, nous avons encore retourné dans les camps de déplacés. C’était pendant la guerre des infiltrés nous sommes allés au bureau de la commune […]. C’était dans cette guerre des infiltrés que ma mère avait été tué par les militaires d’aujourd’hui (FPR). Après avoir quitté le camp, nous nous sommes installés dans l’UMUDUGUDU (agglomération) et après deux ans, on nous a dit de retourner là où nous habitions avant la guerre. A ce moment là, on avait détruit notre maison. Ce sont les militaires qui l’ont détruite. Parmi les autorités, il y avait ceux qui ont donné l’autorisation de tuer les gens. Le mot « tutsi » je l’attends toujours quand les autorités collectionnent les aides et les Assistance pendant la période de la « Mémoire du Génocide ». Ici, nous n’avons pas eu des Tutsi si même nous essayons de contribuer, et nous le faisons avec bon cœur, nous ne connaissons pas de Tutsi. Pour te dire que j’ai de bonnes relations avec eux : est-ce que on peut être en conflit avec celui qu’on ne connaît pas ? Nous sommes ces premiers à terminer (clôturer) GACACA. Parce qu’ici il n’y a pas eu de Génocide. Personne n’a été en prison à cause d’avoir participé au massacre des Tutsi, franchement, nous n’avons pas de Tutsi rescapés parce qu’il n’y a pas eu de massacre. Je ne sais pas où ils habitent ces Tutsi dont tu parles. A […], (ancienne cellule), nous sommes une communauté homogène. Nous nous appelons des Hutu, mais jamais des non-rescapés. Pourquoi ce mot qui semble avoir son plein sens surtout où il y a eu les meurtres, les massacres et le génocide. Si non-rescapé veut dire Hutu, permettez- moi de vous dire que je n’ai aucun problème avec les Hutu, ils sont ma famille, mes amis et mes voisins. Ils ont confiance en moi et j’ai confiance en eux. Pour moi, avoir confiance en quelqu’un veut dire lui céder un avantage supérieur aux attentes et promesses aléatoires. Peu importe l’issue de ce qui va se réaliser, on accepte et on prend le risque de perdre peut être matériellement toutefois en récupérant au niveau des aspects relationnels et humains. C’est ce qui se fait quand les gens se prêtent et empruntant de l’argent, ... se donnent des cadeaux. C’est facile pour moi d’avoir confiance parce que je n’ai connu aucun antécédent ou expériences fâcheux avec eux (déception) seulement, ceux qui ont dû affronter la déception et l’amertume suite à la méfiance et à la malhonnêteté, semblent se décharger de leur état sur moi et n’ont pas confiance en moi. Ils ont peur de renouveler les déceptions. J’ai la confiance envers les voisins, on est toujours ensemble, on collabore, s’il y a quelqu’un entre nous qui a rencontré un problème, on se met ensemble pour voir comment on peut lui aider. Comme je vois la confiance envers les autres, actuellement, il n’y a pas de groupe de gens en qui je n’ai pas de confiance. Ici je pense qu’il y a seulement une femme Tutsie, j’ai de la confiance envers cette femme et elle aussi elle a de la confiance envers moi. Ce n’est pas moi seule qui a de la confiance envers cette femme, c’est tout le monde. Depuis l’an 2000, j’ai opté de rester à ce village, c’est ici que j’ai des amis et des relations de parenté. Je suis dans l’âge avancée, je n’ai pas voulu aller loin de la maison. De plus je suis une femme qui doit à tout prix se soumettre au bon vouloir de son mari. Mon mari lui aussi reste ici à la colline. La toiture de ma maison était en mauvais états. Le toit de ma maison laissait entrer la pluie. Quand il pleuvait je n’avais nulle part où me protéger contre les intempéries. Je ne pouvais pas dormir et m’inquiétais trop dans les conditions lamentables. Au cours de ces dix ans, j’ai pu renouveler la toiture de cette maison. Les tôles étaient très vieilles et ne pouvaient pas à me protéger contre la pluie. En 2008, quand ma chèvre a mis bas deux chevreaux, j’ai vendu deux autres grandes chèvres au prix de 30.000FRW. La maison entière allait tomber sur moi, sous l’effet de l’humidité parce que la toiture était en déconfiture totale. En 2010, j’ai dû vendre quatre chèvres, un porc et 4 moutons afin de couvrir les dépenses en tôles. J’ai sauté sur cette opportunité pour acheter en tout 22 tôles en recourant à 60.000FRW épargnées au cours de la vente de bière de banane. Malheureusement, je ne peux pas renouveler cette prospère activité parce qu’il n’y a plus de bananeraie à cause de la mosaïque qui a décimé les variétés essentielles à la production du jus depuis l’an 2008. J’ai pu acheter 22 tôles (+ 100.000FRW) et j’ai été dans une maison qui cette fois-là me protégeait contre les aléas climatiques (pluie, vent froid…). Comme les chèvres ont été les moyens de ressources financières, je m’inquiète de plus en plus de comment je pourrais avoir encore du cash. De surcroît, je ne parviens plus à compter sur la production de la bière de banane, étant donné que les bananeraies ont subi les maladies et elles ont disparu. Depuis 2004, j’ai fourni plus d’effort dans mes activités d’achats de bananes. J’en produisais la bière locale que je revendais au détaillant, malheureusement cette activité s’est brusquement arrêtée en 2008. Vers 2007, nous étions très pauvres, pas de bétail, pas de champs pour cultiver, nous n’avions pas d’argent pour acheter tout ce que nous avions, besoin. Il fallait que je cultive les champs de mes voisins pour me donner 300F/jr. Il y avait une grande différence entre cette situation et celle d’avant la guerre, après la guerre, la terre ne pouvait pas donner une bonne récolte, les enfants avaient grandi, mon mari aussi s’était marié avec une deuxième femme, c’est moi seule qui devais prendre en charge tous ces enfants Nous mangeons n’importe quoi. Nous ne tenons pas à la qualité. Nous ne disposons pas assez de terre. Rappelle-toi que nous sommes trois femmes qui ont en commun un seul mari. La première femme a eu avec mon mari 7 enfants et j’en ai 5 enfants. Le plus petit de nos enfants a 11 ans. En tout, sans compter les champs qui appartiennent aux coépouses, j’ai cinq champs éparpillés ici et là. Leurs superficies ne totalisent pas 1 hectare. Ils ne sont plus fertiles car ils ont été si longtemps exploités. A la saison culturale (la très bonne), je peux récolter 1 sac de haricot et 1 sac de sorgho. Quelque fois, je récolte encore 60 kg de maïs. Je nourris 5 enfants. Ce qui veut dire que la production agricole du ménage est moins suffisante pour couvrir tous les besoins alimentaires raisons pour lesquelles, je dois recourir aux travaux journaliers au champ des voisins. La rémunération journalière équivaut 800FRW quand l’on est dans des projets gouvernementaux tels que la semence sélectionnée en cultivant ou en mettant dans le germoir la pomme de terre qui servira de semence à la prochaine étape. Le travail journalier au champ chez le voisin est payé en concurrence de 500FRW ou 600FRW selon qu’on a dû prolonger les heures de travail jusqu’à 15 heures. La journée de travail commence à 7 heures du matin. Le Kilo de pomme de terre coûte 120FRW. Si nous avons du haricot dans ce ménage, nous le mélangeons avec 5kg de pommes de terre à chaque repas (midi ou soir). Nous sommes 6 personnes mais seulement 3 personnes sont à mesure de participer aux travaux de champs. Les 3 autres sont de jeunes étudiants. Avoir assez de nourriture est un grand défi familial. Actuellement [2011] J’ai 1 mouton et 3 chèvres. Ces animaux jouent un grand rôle dans l’acquisition des droits au service de santé via les cotisations à la Mutuelle de santé. La vente d’une seule chèvre suffisait à couvrir tous les frais recommandés. Depuis que j’apprends que l’on va majorer les frais de cotisations [en 2011] en payant 3.000FRW par personne, je commence à trop m’inquiéter. Pour avoir 18.000FRW pour couvrir toutes les cotisations de tous les membres de la famille, je serai contrainte de vendre tout le stock alimentaire (haricot,… quelques graines : maïs et sorgho…) Ces arrangements vont finalement aggraver l’état de santé, voir même économique faute d’avoir de l’assurance quant à la nourriture indispensable pour récupérer l’énergie de production au quotidien. Quoiqu’il en soit, si les idées du Gouvernement se concrétisent, le processus d’une mort lente sous les peines et les douleurs sera amorcé. Nous passerons de plus longues et pénibles journées aux champs des voisins. Affaiblies et affamées, les vieilles mamans comme moi seront les premières victimes pour mieux finalement trouver du secours à demi-mesure chez le médecin qui prescrira les comprimés dans le ventre vide ! Autant te dire que si les autorités ne changent pas de décisions, la « mutuelle de santé» tuera plus qu’elle ne sauvera des pauvres paysans. Depuis qu’on a arraché nos plantations de sorgho pour planter le maïs l’année passée en 2010 et après avec l’idée de faire l’extension de la pomme de terre, je me sens de plus en plus en incertitude et dans l’insécurité. La sécurité pour moi, c’est avoir assez de nourriture et logement décent. La sécurité c’est aussi vivre en harmonie avec les voisins. Je ne me sens pas de sécurité parce que je suis pauvre, au lieu de dormir, je pense à l’avenir de mes enfants, je ne suis pas à l’aise. A propos de la sécurité dans toute la région, il y en a sauf que pour le moment il y a des voleurs qui embêtent les gens. Le pauvre paysan n’est pas à mesure de produire les pommes de terre. Il faut un minimum d’investissement de 50.000FRW même dans un tout petit champ (25 m sur 25 m), par exemple la semence sélectionnée à la saison culturale coûte 300FRW. Vue que la saison précédente, la culture de pomme de terre n’a pas été pratiquée, et que les fugitifs efforts et tentations de cultures en dehors des prescriptions des autorités sont là tout simplement pour couvrir les besoins très pressants du ménage en nourriture, il n’est pas du tout possible d’avoir la semence à un prix équitable (je comprend ce phénomène en parallèle avec la loi de l’offre et de la demande) c’est tout un village, une Cellule qui a besoin de la semence non disponible. Les politiques agricoles doivent être révisées. Elles ont certains aspects incontournables pour accroître la production mais il y a les paramètres à maîtriser pour accroître l’efficacité. Les interférences des politiques agricoles peu pensées (réfléchies) et mal ajustées aux concepts actuels de survie dans le milieu rural. Pourquoi obliger le paysan à semer seulement pour approvisionner les usines des riches ou des commerçants qui sont en connivence avec les représentants politiques ? La représentation politique, c’est avoir les autorités politiques, administratives qui défendent le bien public et se soucient d’éduquer la population en leur octroyant les opportunités de rencontres enrichissantes (réunions, formations, communications radio, télévision) et qui élargissent leur niveaux de conscience sur les réalités qui les attendent. La représentation politique doit compter, pour asseoir sa légitime autorité, sur la concertation, le dialogue plutôt que sur l’autoritarisme. La représentation politique signifie que la population doit avoir l’autorité qui la dirige c'est-à-dire qui doit suivre leur vie, la sécurité etc. Actuellement nous avons les autorités que nous avons choisi nous-mêmes. Il y a celui qui est chargé de la sécurité, celui qui est chargé du redéveloppement alors s’il y a un problème, ce sont des autorités qui doivent se mettre ensemble pour chercher la solution. Depuis l’an 2010, elles mettent en doute mes ressources naturelles de production. Je ne suis pas à mesure de me procurer la semence de pomme à 300FRW/kg. L’année passée, je risquais de perdre toute une saison culturale faute de semence. Le pauvre risque de s’éterniser dans sa pauvreté et les riches auront plus d’opportunités d’exploiter le misérable qui lui cède ses champs. Avant, nous avions le système traditionnel de complémentariste qui mettait en valeur les ressources disponibles. Le paysan qui avait ses bras et la semence engageait le partenariat avec le propriétaire terrien en cultivant ensemble pour enfin se partager la production. Celui là qui n’avait pas de semence (haricot ou pommes de terre) tout en disposant de la terre, avait un labeur moins coûteux de la part de son ami ou voisin qui acceptait de se mettre à sa disposition pour les journées de travail ensemble. Quand nous avons manqué la semence de pomme de terre suite à l’introduction de la culture de maïs sur des larges étendues, la complémentarité traditionnelle a perdu de son éclat. Celui-là qui était à mesure de s’acheter la semence sélectionnée à 300FRW/kg, avait aussi les moyens de louer les champs du pauvre paysan ne disposant pas de moyen pour être en ordre avec les directives agricoles. Le riche a alors plus de choix quand le pauvre à tout prix veut céder la moitié de sa parcelle afin de pouvoir avoir quelque kilo pour planter l’autre moitié. Le pauvre paysan, a un dernier recours en louant ses journées de travail dans son propre champ pour au moins ne pas passer toute la journée les mains croisées. Les gens qui partagent les mêmes conditions de vie à des sphères et degrés supérieurs de richesse ne manqueront pas à contraindre le pauvre paysan à toutes ses peines au moment où les relations de complémentarités et de cohésion sociales se détériorent. Quand la pauvre tourne le dos à un autre pauvre, il devient un appât facile, il est exploité à merci par le riche. Je souhaite que j’achète les champs et les chèvres, je souhaite encore que mes enfants fréquentent dans les écoles secondaires mais s’il n’y a pas de la sécurité dans le pays, ce sera très difficile d’avoir un bon avenir. Je souhaite que l’avenir soit comme aujourd’hui : je peux travailler, manger et recevoir un visiteur. La santé peut être un handicap pour perpétuer ce plaisir d’aujourd’hui, je commence à sentir les faiblesses physiques. Je ne peux rien prédire de mon avenir. En réalité, s’il y a la sécurité je ferai tout mon possible pour que mes enfants aillent dans les écoles secondaires, alors mes enfants pourront avoir un bon avenir et les politiques agricoles auront changées. ewerken. Comments are closed.
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