MORALIA
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reflections on lives - damaged or not.
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RURAL RWANDA – Interviews 2007-2011 (redacted & edited)Je suis né en 1940 à […], à cette époque, c’était la chefferie dirigée par […]. Plus tard, cette chefferie est devenue la commune […]. J’habite ici, à […], depuis 1974. J’ai fondé mon foyer en 1962. J’ai eu 11 naissances. 3 seulement sont encore vivants 2 fils et une fille. Réfugié au CONGO 1994-1996. Je préfère rester près de ma maison. Ce n’est pas parce qu’ici, il y a tout ce dont j’ai besoin. Je crains d’avoir des difficultés si je devais rencontrer d’autres conditions climatiques telles que trop de soleil auquel je ne suis pas habitué. L’on m’a emprisonné en 2006 durant 3 mois en avançant que je n’ai pas donné toute les informations lors des séances de GACACA.
En 1962, au moment de mon mariage, la population était moins nombreuse, il y avait assez de champs pour cultiver. A ce moment là, je pouvais avoir des greniers ; il m’arrivait d’avoir un grenier de petit pois, de maïs,…….. Dans les années 60, les gens étaient vraiment très riches. Tout homme qui avait un ménage était bien, avec des champs et même des vaches. Actuellement, les gens sont devenus très nombreux, la terre ne donne pas bien les champs sont très petits, et nous vivons très misérablement. Même l’Etat ne peut rien faire, il n’a rien lui aussi. J’ai fondé mon ménage en 1962, à ce moment là, ça marchait même si en 1963, mes champs ont connu un glissement de terrain et en 1966, le gouvernement s’était approprié mes champs pour la culture du thé, et on ne m’avait rien donné. La représentation politique signifie que l’autorité est pour toi, qu’elle peut t’aider pour résoudre n’importe quel problème. On donnait des parcelles et on ne donnait pas à moi. En 1972, mon ménage était vraiment bien, je pouvais louer une parcelle pour cultiver, je récoltais beaucoup de façon que je pouvais même vendre au marché. La situation a continué jusque dans les années 80. Après les années 80, la vie est devenue difficile, j’avais eu beaucoup de malades dans ma famille, c’était en 1984, j’avais eu même 2 morts, c’étaient mes enfants. L’autorité ne m’écoutait pas alors je faisais partie de la troupe de la commune. Depuis 1974, les champs sont emportés par les eaux, et le reste est occupé par le thé, surtout après avoir perdu mes champs qui étaient dans la vallée, et qui ont été confisqués par le gouvernement, pour l’extension de la culture de thé, je me suis converti à la maçonnerie. C’est la seule chance qui me reste pour pouvoir trouver de la nourriture et de l’habit à ma famille. Le maçon touche 2.000FRW par jour. Je me consacre à ce métier et les travaux de champ sont pour ma vieille femme. De 1992-1993, il y avait le MRND, et les autres partis qui causaient l’insécurité. En 1994, certains Hutu menaçaient leurs voisins, je me suis réfugié au CONGO, je pensais que les Tutsi pouvaient me faire du mal. De mon retour en 1996, je n’avais rien, je ne pouvais même pas louer des champs. Il m’arrive de manquer de sécurité comme en 1994 et 1998, quand j’ai perdu deux filles et 3 garçons. Le sentiment de sécurité signifie avoir la paix, ce qui veut dire n’est pas être malade, avoir à manger et pouvoir travailler. En 2000, je venais de perdre mes 5 enfants. Et devais m’occuper de leurs orphelins. Je n’avais pas assez de nourriture pour entretenir la famille (7 orphelins à la maison). En 2001, j’ai commencé à me remettre, je pouvais louer un petit champ et trouver un petit emploi de construction. Les gens se rejetaient la responsabilité de ce qui s’était passé. J’ai deux chèvres depuis 2008. Depuis lors j’ai vendu 4 caprins. La plus petite l’on a payé 5.000 et la plus grande 15.000. Les deux autres m’ont donne respectivement 6.000 et 11.000FRW. Je suis membre d’une association « ABANYEMPUHWE = MISERCORDIEUX » depuis l’an 2004. Nous nous occupons de pépinières et plantons des pommes de terre. Grâce à cette association, nous parvenons à accéder facilement au marché en louant en commun une camionnette pour le transport. L’accumulation des avantages parce que je cultive un champ que je ne loue pas. C’est encore plus facile de louer les champs à cultiver. Nous avons plus d’un hectare ensemble. J’ai eu aussi des opportunités de contrats de construction qui m’ont procuré du revenu. L’autorité commençait à bien fonctionner. En 2005, les Tutsi faisaient des réunions pour de faux témoignages. Il y avait des réfugiés de […] qui sont morts ici en 1994, on les a enterrés dans des fosses communes, c’étaient des malades et des vieux qui ne pouvaient pas marcher, au moment du déterrement des os, nous ne les avons pas déterrés car nous le savions. Par après, certains Tutsi ont commencé à dire que ce sont les leurs, on m’a demandé de dire ce qui s’est passé car j’étais NYUMBAKUMI [autorité local], on m’a alors mis en prison 2005 pendant 3 jours. Le maire actuel a mené une enquête, il est allé demander à celui qui dirigeait le poste la santé de la CARITAS, et lui avait confirmé qu’il y avait beaucoup de malades là bas. On m’a alors relâché. En 2006, la situation n’était pas bonne, mais ça marchait, au cours de cette année. Pendant les juridictions GACACA, sous l’impulsion des Tutsi, on faisait une forte pression sur moi dans la collecte d’informations jusqu’à m’emprisonner en arguant que je n’ai pas voulu fournir des informations que je détenais sur les massacres commis au village. J’ai été mis en prison pendant 3 mois. Ceux qui étaient mes amis parmi les Hutu ont pris de la distance. J’ai été en prison. Aucun membre de ces Hutu n’a voulu se soucier de moi. Le jury de GACACA était composé de Hutu qui exagéraient leur zèle, voulaient tout simplement me faire souffrir pour ne pas perdre la face devant les Tutsi qui plaidaient contre les massacres des leurs sans pour autant avoir les informations sur les meurtriers, j’étais un bouc émissaire. J’ai été mis en prison parce qu’on dit que je n’ai pas donné des témoignages alors que je n’étais pas là au moment des faits. J’avais mon père qui étais malade et j’étais parti le voir du 3 au 14/04/1994, vraiment au moment des faits je n’étais pas à […], j’étais à […]. Moi, ma fille et mes 2 Fils, nous étions en prison. Moi et ma fille (après 3 mois) étions libérés. Mes 2 fils restaient en prison. La fille était ma co-accusée parce que le Jury GACACA s’était prononcé à notre prétendu refus de fournir les informations sur les faits présupposés commis par mes voisins. Le jury trouvait comme une circonstance aggravante ma responsabilité à titre de NYUMBAKUMI [chef de dix maisons avant le Génocide]. En fait, un voisin Tutsi a été victime de génocide devant la porte de ma maison. Je n’y étais pas. Comme c’était moi qui ai enterré le cadavre, le jury a voulu à tout prix connaître les auteurs du meurtre. Je ne les connaissais pas. La même question restait sans réponse quand ce fut les tours de ma fille de répondre. Heureusement, après 3 mois en prison, les vrais criminels ont avoué leur responsabilité et m’ont déchargé du crime. Nous avons été libérés. Mes fils n’ont pas été emprisonnés sous le même chef d’accusation de responsabilité dans le génocide. Ils avaient commis la violence entre eux en se faisant entre eux des coups et des blessures. Le seul fait de se blesser et d’abîmer les meubles dans ma maison (j’étais en prison), ma femme (leur mère) a fait appel à la police. Elle a requis toute une année de prison aux bagarreurs. Ma femme regrette ce geste qui l’a poussé à endurer indirectement trop de peine à faisant chaque semaine (vendredi) un long trajet et très coûteux pour les approvisionner en nourriture dans la prison de […]. Nous avons dû épuiser toute les ressources (chèvres, réserves de nourriture…) parce que à cette époque nous étions 4 membres d’une même famille en prison. Ma vieille femme devait encore veiller à la vie de mes 7 petits enfants qui étaient très à bas-âge. Le plus grands avait 12 ans. Même aujourd’hui, c’est un grand problème de s’occuper de ces orphelins petits-enfants, je t’ai dit que j’ai eu 11 naissances. Les survivants sont 3. Mes 3 fils ont été victimes de la guerre. C’est ainsi que je garde leurs enfants. Etre à mon âge et s’occuper de 7 enfants (minerval, nourriture, habits,…) ce n’est pas facile. Ça n’a pas réellement affecté ma situation économique, de mon retour de prison en 2007, la situation restait la même qu’avant la prison car je vivais toujours de petits travaux d’agriculture ou de construction. La situation économique était très mauvaise, je n’avais pas assez de champs pour cultiver alors que je vis de l’agriculture. Je m’arrangeais pour avoir de petits travaux de construction, et ma femme aussi gagnait un peu d’argent comme ouvrière agricole. Un jeune homme a dit la vérité sur ceux qui ont eu le rôle dans le Génocide. Les tutsi ont vu clair dans son témoignage pour qu’enfin eux aussi se soient rendu compte que j’étais innocent. Le jury qui était composé des Hutu a redimensionné leur jugement de criminel sur moi, vu que les Tutsi connaissaient mieux la vérité des faits. En 2009, j’ai parvenu à acheter une parcelle dans laquelle je plante la pomme de terre (à 300.000FRW prix d’acquisition du champ). GACACA était en pleine investigation et l’on ne voulait pas que les anciens agents de l’administration aient à dissimiler les faits incriminés. La plupart de ceux qui étaient responsables, dans l’ancienne administration (Régime HABYALIMANA) ont été enfermés dans la prison. Je faisais parti des victimes de cette généralisation, ayant été NYUMBAKUMI (chef de 10 ménages). Nous avons passé trois mois en prison. La représentation politique c’est la défense de l’opprimé. J’ai le droit d’appeler à n’importe quel moment le vice -maire s’il y a quelques injustices contre moi. Mon cas vient de passer aux antennes de la Radio communautaire (…) en faisant l’éloge de ma part de vérité pour annoncer les informations correctes. La représentation politique est celle qui sait reconnaître le mérité des faits de leurs dirigés pour les encourager publiquement. Le Président de la République a pris le devant pour asseoir des programmes de développement tel que « GIRINKA », égalité de chance entre femme et hommes. La représentation politique a joué un rôle surtout en suivant de près les investigations sur les faits me reprochés. En 2010, sorti de la prison. Les faits qui faisaient objets de mon appel incessant devant les juridictions GACACA et la Police étaient de plus en plus clarifiés pour espérer des lendemains paisibles. En me référant à mon passé récent, j’étais en sécurité. Les autorités voulaient connaître ou les génocidaires ont enterré les Tutsi. Comme mes voisins avaient dressé leur maison sur les corps de victimes, et qu’à tout prix j’étais sous la pression de la Juridiction GACACA et de celle de rescapés qui voulaient réserver un cimetière digne à leurs membres de famille. Toutefois en sauvegardant les bonnes relations de voisinage avec mon entourage qui risquait de voir leur belle maison démolies, c’était comme si j’étais « IFI MU MAZI ABIRA = un poisson dans l’eau bouillante ». J’étais dans l’insécurité. Autant te dire qu’après tout, la sécurité est l’audace de dire la vérité. « UKURI GUCA MU ZIKO NTIGUSHYE = la vérité passe sur les charbons ardent et ne se brule pas ». L’on a démoli juste une maison. Le propriétaire bénéficie de frais de location de la part de l’Administration du District (5.000FRW par mois). La sécurité alors c’est la justice et le respect des droits. Le sentiment de confiance signifie que je peux vivre et croire à ce qu’on peut faire pour moi. Celui qui a la confiance se sent bien, il n’a pas de chagrin dans son comportement. La vérité est mère de la confiance. Ce sont des combines, des complots, des jalousies qui étouffent la confiance. Les gens qui se rendent des services construisent la confiance (prêt, emprunt d’argent). Je n’ai pas confiance aux menteurs, à ceux qui déforment la vérité. Ils ne peuvent rien faire de bien pour vous. Je n’ai pas confiance en des gens qui n’ont pas le sens de compassion avec ceux qui sont dans des situations difficiles telle que la faim, la maladie ou la prison. S’il y a quelques Tutsi qui persistent pour m’enfoncer dans la prison, il y a actuellement un grand nombre qui prend ma défense. Il y a juste une semaine mes détracteurs Tutsi ont fomenté un complot en répondant les fausses nouvelles qu’au lieu de montrer où leurs membres de familles sont tombés, j’ai joué le malin en montrant où mes fils Hutu ont été enterrés (juste dans la parcelle de mon voisin Tutsi venu du Congo, lui aussi qui était dans le même complot pour écarter la destruction de sa maison). Heureusement un grand nombre des Tutsi ont découvert le stratagème pour me défendre au cours de cette période « Mémoire du Génocide ». Parmi ce groupe des Hutu, il y a des signes plus manifestes de complicité et d’attente. Avant, ils m’avaient mis en quarantaine. Ils osent me l’avouer et me disant en toute sincérité qu’ils avaient craint d’être mis dans le même panier de criminels. Raison pour laquelle ils s’éloignaient de moi. J’apprécie qu’aujourd’hui ils essaient au moins de me prévenir quand il y a quelque chose qui ne marche pas à cause de mes détracteurs Tutsi qui inventent de faux crimes commis dans le Génocide. Certaines personnes d’ici ont la confiance les unes envers les autres, mais elles sont moins nombreuses. Je ne sais pas pourquoi, il n’y a pas assez de confiance, mais tout est peut-être dû à l’abus de confiance qui caractérise beaucoup de gens. Il y a certains gens à qui j’ai confiance, ce sont des gens dont je suis sûr qu’ils ne peuvent pas me faire du mal, ce sont des gens intègres. Actuellement, GACACA est fini, j’ai l’espérance que je ne serais plus à témoigner contre les voisins, les miens et à passer des mois dans la prison. Dieu m’a tiré du gouffre de GACACA. Je ne crains rien de pire ! Les Hutu ont pris ma défense au cours de cette semaine « Mémoire du Génocide » en grand nombre. C’était une calamité d’entendre que j’ai déterré mes fils à la place de dire ou les Tutsi victimes de Génocide ont été enterrés et que je voulais ensevelir les Hutu (mes fils) en toute dignité qu’ils déméritent parce qu’ils ont été INTERAHAMWE. La plupart des Tutsi comprendront mieux la réalité des faits pour m’exonérer de tout soupçon. Nous n’avons pas assez de terre à cultiver. Le peu de terre qui me restait dans le marrais a été confisqué par le Gouvernement. Toutes les étendues maraîchères ou dans les vallées sont exploitées à des fins de reproduire le thé destiné à l’Usine […]. J’ai perdu ces espaces en 1978 et les conséquences se répercutent à la vie actuelle. Pour planter soit la pomme de terre, le maïs, ou le haricot, je dois recourir aux locations chez les voisins. Selon que j’ai des moyens, il est possible de louer 2 ou 3 parcelles (une parcelle peut avoir 20m sur 40). Le prix de location varie entre 40.000FRW et 60.000FRW. C’est la culture de la pomme de terre qui est très rentable. Le maïs est aussi rentable mais il demande d’autres investissements en engrais. Le Gouvernement soutient ces deux cultures (pomme de terre et maïs). Nous portons notre choix à la pomme de terre parce qu’il a un marché en permanence et au prix intéressant. Elle me permet de manger, de vendre le surplus pour avoir encore du revenu pour louer d’autres champs. Si la culture du maïs restait le choix du Gouvernement, ma famille aurait à faire pour pouvoir louer prochainement les espaces à cultiver. Je deviens vieux. Je n’ai pas assez de force pour travailler. J’ai une grande famille de petits enfants qui doivent étudier alors que je n’ai pas de moyen de payer leur scolarité. Je souhaite avoir une parcelle car ça peut aider ma famille même si je ne suis pas là. Je ne pense pas que mon rêve peut se réaliser car ma force va en diminuant, je ne peux pas avoir le pouvoir de m’acheter une parcelle. L’avenir sera plein de problèmes. Les petits enfants surtout n’auront pas assez à manger. Je souhaiterais avoir au moins assez d’espace à cultiver. Je suis très loin de cette espérance. Comments are closed.
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November 2016
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